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Le sens du monde

Dans un article récent, j'ai interrogé « Le but de la vie », une manière disais-je alors de poser la question du « sens de la vie », non pas tant pour y répondre - c’est l’oeuvre de chacun… - que pour la remettre en perspective. Comment comprendre cette autre question du « sens du monde », car le monde, loin de l'évidence qu'on lui prête, fait question ?

Là encore, et un peu dans le prolongement de la question de la vie, poser le problème du sens du monde ne vise pas à lui chercher ou lui donner un sens, mais à interroger le sens de la question. N'est-ce pas plutôt au final le « monde » qui est en question (qu'est-il ?) que son sens pour les hommes ? Bien sûr, l'interrogation ne saurait faire l'économie de notre rapport au monde…



Le sujet est vaste. .. comme le monde, et d'autant plus que nous pouvons faire du « monde », le «Tout » , « tout ce qui existe »... dont « nous », êtres humains. Nous participons donc du monde, pour ainsi dire d'emblée. Mais le monde est-il pour nous et par nous ? ou peut-il être sans nous, exister par lui-même en dehors de notre conscience ? Question métaphysique, peut-être irrésoluble ? Constatons cependant comme notre méditation « S'émouvoir avec la terre » peut nous le dire que cette appréhension du monde impacte notre être au monde, la manière de se sentir, d'éprouver nos relations à autrui, aux choses extérieures, les autres êtres et les objets qui peuvent donner un sens à notre existence. Comprendre le monde, le sens de sa conception, participe alors du chemin que j'exprime souvent ici de la « connaissance de soi ». Le monde est-il notre fond et notre fin ? Le lieu et le but de notre existence humaine ? Cette question peut-elle nous aider dans la compréhension de ce que peut vouloir dire pour nous qui « la fin du monde » ? dans son double sens de « but » et de « finitude »... S'insinue là dans cette double perspective, un sentiment de perte : perte du sens de l'existence pour soi et perte majeure du substrat même de l'existence humaine. Le monde et l'existence pour nous, ont partie liée. Le doute existentielle hyperbolique de Descartes en est l'une des manifestations modernes premières. Ainsi dès sa 1re Méditations métaphysique, Descartes s'emploie à mettre en scène « un malin génie », sorte de « Dieu trompeur » puissant , capable de l'illusionner quant à l'existence de toutes choses, jusqu'à son existence même, comme dans un songe éternel. Cependant, ce doute cartésien n'est qu'un exercice méthodique en rien sceptique ; et dès sa sa seconde méditation, l'expérience réïtérée de l'acte de penser, conçu comme ce que nous appelons la conscience réflexive, interrompt son doute par le fameux cogito - « je pense, j'existe ». D'une certaine manière, l’œuvre méditative de Descartes revêt un caractère magique en instituant le dualisme fondateur de notre monde moderne, ainsi divisé ainsi entre « substance pensante » et « substance étendue », entre l'esprit et le corps, ouvrant l'espace d'expansion de l'esprit scientifique, instituant l'anthropocentrisme de la culture moderne, objectivant la nature. Le monde apparait alors comme ce qui constitue notre environnement extérieur, qui ne prend sens que par le regard que l'homme pose dessus, tant pour le comprendre que le prendre, l'approprier. Le monde est monde pour l'homme, par l'homme qui seul peux lui donner sens par la découverte des lois naturelles. Mais que « comprend» le monde visé par l'homme ? De quoi est-il constitué au juste ? Jusqu'où s'étend-t-il ? Le monde est-ce la terre ? Notre toute petite planète bleue ? Ou bien est-ce l'ensemble de l'univers, toutes ces galaxies surgies du Big Bang originel de la Création, propulsé dans l'infini de son expansion, jusqu'à l'effondrement dans d’inconnus « trous noirs » ouvrant vers d'hypothétiques multivers ? Cette cosmologie expansionniste inaugurée à l'époque pré- moderne, décrite par Alexandre Koyré dans son essai « Du monde clos à l'univers infini » (https://www.persee.fr/doc/rhs_0048-7996_1964_num_17_1_2289) dit bien l'ambition universaliste de la cosmogonie occidentale, matérialisée par l'espérance (à ce jour maintenue ) de la conquête spatiale - hier déjà la lune, mars en perspective, les étoiles dans le rêve-fantasmatique transhumaniste – rendu possible par un progrès technologique frénétique comme dans une transe fascinante dans les pas élancés de l'imaginaire de la science-fiction. Et pourtant en ce début de XXIe siècle, le sens du monde semble rétrécir... Le « Et pourtant elle tourne » de Galilée qui avait inauguré le temps de l'espace infini, résonne d'une autre manière comme le chant d'un retour sur terre (si possible... ). Car « l’atterrissage » semble devenu une question problématique comme le montre bien Bruno Latour, sociologue philosophe cherchant à développer les « politiques de la nature » (http://www.bruno-latour.fr/fr/node/87.html) dans son dernier livre « Où atterrir ? » (https://www.youtube.com/watch?v=8XCXFF33hK0) . Tout semble avoir commencé par une alerte inquiétante reste longtemps ( et encore ?) inaudible, sur « les limites de la croissance » dès le début des années 70 avec le rapport Meadows au club de Rome (https://fr.wikipedia.org/wiki/Les_Limites_%C3%A0_la_croissance)



1970, c'est aussi l'année où le climatologue James Lovelock formule son « hypothèse Gaïa » d'une « Terre vivante », avec cette idée (popularisée en 1990 dans son livre « les âges de Gaïa » ) que l'ensemble des êtres vivants forment un « superorganisme » - Gaïa du nom de la déesse personnifiant la Terre dans la mythologie grecque. Vivante, la terre devient sujet de droit ouvrant la possibilité d'un droit de la nature. Michel Serres théorise dans la continuité du « Contrat social » de Rousseau de la modernité naissante, l'idée du « Contrat naturel » pour une nouvelle ère de la terre et des hommes.

Un Sommet de la Terre à Rio en 1992, inaugure ce nouvel âge à instituer, ouvrant une longue, lente et laborieuse diplomatie du climat qui n'en finit pas de COP en COP, de rapports en rapports du GIEC, de plus en plus pressants, de repousser les échéances de l'atterrissage… Et bientôt plus de kérosène... « où atterrir ? » demande le commandant de bord aux passagers embarqués dans ce destin funeste... Et la grenouille croasse tranquillement, toujours dans sa carafe d’eau sur le réchaud... Les enfants de la Terre, la génération climat se lève, suivant Greta Thunberg dans un mouvement qui couvre la terre : « Fridays for future » (https://www.amnesty.fr/actualites/greta-thunberg-et-le-mouvement-fridays-for-future-) élargit aussi l'espace de la désobéissance civile de Extinction Rébellion (https://fr.wikipedia.org/wiki/Extinction_Rebellion)

Un nouveau monde émerge, le vieux monde résiste.

Cette tension s'exprime dans la révélation géologique d'un nouvel âge de la terre « l'anthropocène » - l'âge de l'homme- (https://fr.wikipedia.org/wiki/Anthropoc%C3%A8ne) , qui dit sa marque sédimentaire thermo-industrielle, susceptible de l'ensevelir vivant…

L'image de la grenouille qui voulait se faire plus grosse que le bœuf s'impose alors à nos consciences, découvrant dans notre « empreinte carbone » que nous dévorons deux ou trois planète là où nous avons qu'une sous nos pieds … Alors la terre tremble sous nos pieds, la glace fond, la mer monte

« Les émotions de la terre » avec la « solastalgie » se réveillent (https://enviedebienetre.wixsite.com/enviedebienetre/post/solastalgie) . La peur ancestrale que le ciel ne tombe sur nos têtes refait surface, comme un arc tendu dans l'espace et le temps entre les peuples amérindiens (« La chute du ciel. Paroles d’un chaman yanomami » Kopenawa Davi et Bruce Albert - https://journals.openedition.org/jsa/11786?lang=en ) et nos ancêtres les Gaulois, appelant un autre âge de la terre « le symbiocène » (https://www.franceculture.fr/emissions/la-grande-table-idees/glenn-albrecht-quadvient-il-de-nous-lorsque-la-terre-nous-manque)


Le « Symbiocène» veut dire notre place en tant qu'être humain en ce monde comme une des formes de vie qui le composent, et dont la pré-éminence n'est peut-être que l'illusion proprement cartesienne de l’ego, une vue de l'esprit tracassé par sa propre existence. La « fin » du monde ne doit pas tant alors être comprise comme l'inquiétude de notre disparition en tant qu' espèce ( inévitable à l'échelle des temps géologiques), que comme l'horizon de la diversité inter-reliée et interdépendante de la vie.


La fin du monde - son but, ce n'est pas la mort, mais la Vie.

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