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Photo du rédacteurThierry Raffin

En-Vie de bien-être - "Des fins, des biens et des maux"

C'est le titre de l'association - le mot En-Vie avec un trait d'union - on saisit bien qu'il y a là un jeu de mots qui mérite sans doute un sourire et un clin d'œil ; mais aussi un petit mot (enfin un petit article) d'explicitation et de mise en perspective qui peut éclairer un peu plus le projet de l'association du côté de la conscience philosophique et spirituelle.



"En-Vie" pas trop compliqué d'y lire l'idée d'une association étroite entre la vie et le bien-être : bien être en vie comme être véritablement en vie par certaines pratiques qui relèvent de ce que le philosophe Michel Foucault appelait "le souci de soi", tel qu'il en a fait la généalogie en étudiant les vieux textes (et pas seulement ceux des philosophes) latins et grecs, enjoignant les hommes à se convertir à eux-mêmes, à se tourner à l'intérieur d'eux-mêmes pour cultiver un sens du "vivre bien". C'est là le projet premier de la philosophie antique comme l'a bien montré un autre philosophe spécialiste du sujet Pierre Hadot dans son livre "exercices spirituels et philosophie antique" et qui opère par la pratique et l'entraînement réguliers.


Mais "envie" cela peut être aussi la référence au désir dont Spinoza disait qu'il était l'essence de l'homme, peut-être plus fort que la raison. En effet, il observait que toutes choses vivantes - et l'homme y compris - se définissait par ce qu'il appelait le "conatus" (un terme latin qui exprime l'effort et la force interne d'exister; c'est-à-dire pour un être de persévérer dans son être et d'augmenter sa puissance d'agir à cet effet. Pour Spinoza qui est un peu tatillon sur la définition des mots - mais cela permet de savoir de quoi on parle- le désir a une signification très précise. C'est pour lui l'affect (passion) humain le plus fondamental, c'est le conatus qui se rapporte tout à la fois au corps et à l'esprit, accompagné de la conscience de soi. A suivre le raisonnement de Spinoza on peut comprendre - et c'est ce qu'il dit- que ce n'est pas parce qu'une chose est bonne que nous la désirons mais c'est parce que nous la désirons qu'elle apparaît bonne. Ceci dit toutes les choses ne sont pas également bonnes ; et l'homme (la femme aussi) peuvent ne pas avoir toujours une idée adéquate de leurs désirs. Selon lui - et là il emboîte le pas aux philosophes de l'Antiquité - il convient de comprendre de manière rationnelle (raisonnable) son propre désir pour être capable de guider son action vers le bien-vivre, c'est là la finalité de l'éthique et de l'homme réalisé. Il rejoint alors les philosophes stoïciens qui faisaient un distingo ici entre "désir" et "volonté". C'est ici aussi que l'on peut comprendre ce qui sépare une envie de bien-être de l'en-vie de bien-être. Il ne s'agit pas de simplement se centrer sur soi, de se mettre au centre du monde pour orienter son action en suivant le plan incliné de ses envies ; il est bien plutôt question d'exercer sa volonté pour incliner son action en situant sa juste place dans le monde (le cosmos pour les Grecs). L'en-vie de bien-être c'est alors la connaissance de soi comme souci de soi bien compris comme souci éthique de vivre selon le bien qui nous lie à notre environnement et aux autres. Ainsi pouvons-nous réaliser le destin qui nous est donné. En-vie de bien-être c'est vouloir le bien-être. Vouloir, c'est orienter son désir de manière constante dans un souci d'accord avec le soi qui constitue notre être. C'est là l'effet du conatus (effort) qui permet de résoudre les dissensions et divisions que l'on peut observer en soi, les tensions corporelles et psychiques, les maux de l'être, que la volatilité des désirs peut provoquer.


Cicéron un fin observateur et sympathisant des stoïciens, rappelait dans son opuscule "Des fins, des biens et des maux", la définition classique du Télos (les fins, le but que doivent suivre les hommes) :


« Le souverain bien consiste à vivre en s’appuyant sur la connaissance certaine des choses qui arrivent naturellement, en choisissant celles qui sont conformes à la nature et en rejetant celles qui lui sont contraires, en d’autres termes vivre en accord conscient et en harmonie avec elle"


Il utilisait aussi la métaphore de l'archer qui rejoint "la Voie de l'arc" zen (Kyudo) pour exprimer la recherche du "souverain bien" qui dit que la cible est nécessaire pour pouvoir viser mais ce n'est pas la cible qui importe. Ce qui importe c'est la maîtrise de la visée . Dans l'art du Kyudo aussi atteindre la cible n'est pas le but car la cible n'est que le miroir permettant à l'archer de trouver son moi profond, la relation à soi.

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