« La question de la vie traverse ce blog, au cœur même pour moi du rapport entre méditation et philosophie. » écrivais-je il y a quelques mois déjà dans un article de ce blog (« la vraie vie… » - mai 2021) à la lecture de François Jullien (« Philosophie du Vivre ») . Il y avait là un écho déjà à cet autre article où j’interrogeais « Le but de la vie » , en demandant « La vie a-t-elle un sens ? Quel est son but ? Ces questions reviennent sans cesse à un moment ou un autre, et selon l'humeur ou le caractère, optimiste ou pessimiste, les réponses peuvent varier du tout au tout. ». Au fil des lectures qui convergent sur cette question de la vie, il me semble que le puzzle se complète , même si je n’ignore pas qu’aucune dernière pièce ne viendra achever cette connaissance de la vie, étancher cette soif et fascination de la vie qui m’étreint depuis mon plus jeune âge où je rêvais d’être biologiste. Il y a là, comme je l’ai écrit déjà en élargissant cette question de la vie pour venir interroger « le sens du monde » , l’avènement d’une nouvelle conception d’un infini du monde bien décrite par Alexandre Koyré dans son essai « Du monde clos à l'univers infini » mise comme un défi à la pensée moderne.
De nouvelles pièces de puzzle, ces temps-ci m’amènent à ce nouvel article où la figure de l’arbre , sous la forme de l’arbre de vie et de l’arbre phylogénétique, vient révéler encore toute la profondeur de cette menace du vivant qui se fait jour, et qui nous étreint au détour des « émotions de la terre » .
Sauver le vivant …
D’abord il y a tout ce chemin parcouru en 2021 pour avancer dans l’optique de l’Adaptation radicale , pour faire face à la menace d’effondrement civilisationnel lié bien sûr à l’emballement du réchauffement climatique devenu inéluctable, mais aussi plus largement à l'effondrement du Vivant, et aux "émotions de la terre" que tout cela suscite. Puis cette question que nous avons alors posée à Jean Christophe Anna initiateur de L’Archipel du Vivant : « le Climat ou la Vie » (https://anchor.fm/adaptation-radicale/episodes/Le-Climat-ou-la-Vie-----rencontre-avec-Jean-Christophe-Anna-e1ava21 ) . Et sa réponse dans son dernier livre « Écrivons ensemble un nouveau récit pour sauver la vie ! » (https://archipelduvivant.org/nos-livres/ecrivons-ensemble-un-nouveau-recit-pour-sauver-la-vie/ ) Ce chemin c’est aussi celui qui permet de dépasser une perception auto-centrée des choses, qui peut alimenter les perspectives bien étroites du « développement personnel », cette quête effrénée du bonheur, qu’il nous faut sans doute reconsidérer de manière plus large à la mesure de ce que peuvent nous révéler les contacts avec d’autres cosmologies, comme nous incite à le faire Frédérika Van Ingen dans son livre « Sagesses d’ailleurs , pour vivre aujourd’hui » (sur lequel il faudra revenir…) . La vie ce n’est pas simplement notre vie en tant qu’individu, mais la Vie dont nous participons qui irrigue Gaïa, et qui apparait alors comme un mystère aussi vieux et profond que l’Univers infini et en expansion comme on peut l’entendre en écoutant l'astrophysicien David Elbaz. Il questionne dans son livre « La plus belle ruse de l’Univers » , l'existence d'un principe physique qui explique l'organisation de la matière en formes structurées dont la finalité semble être la vie qui serait le meilleur vecteur selon lui d’émission de la Lumière. (à écouter ici : https://www.franceinter.fr/emissions/la-terre-au-carre/la-terre-au-carre-du-jeudi-30-decembre-2021 ) . A le suivre on comprend que si l’univers possède un sens, c’est celui de la Vie ! Voilà qui pour lui ouvre pour l’homme entre autre la perspective proprement spinozienne de la Joie.
Méditation de la vie
Mais alors pourquoi cela résonne-t-il si fort en nous, pour peu qu’on y pense ? Parce que nous tenons à la vie, et que la mort nous effraie, que de tout temps l’homme a cherché une planche de salut, soit du côté de la religion, soit du côté de la philosophie. « Philosopher c’est apprendre à mourir », se plaisait à nous enseigner Montaigne dans ses Essais. Néanmoins, il entendait par cette sentence nous guider dans une école de la vie. Pascal observait de son côté que « les hommes n’ayant pu guérir la mort, la misère, l’ignorance, ils se sont avisés pour se rendre heureux , de n’y point penser » ( Pensées L133 ). Contre cette stratégie du divertissement, Spinoza nous invitait quant à lui, à suivre les inclinations de ce qui fait notre essence , comme ce qui fait l’essence de l’ensemble des vivants : « persévérer dans notre être », en augmentant notre puissance d’agir (ce qu’il appelait le conatus – le désir), c’est-à-dire à orienter notre action selon ce qui nous met en Joie.
Pour lui « L’homme libre ne pense à rien moins qu’à la mort, et sa sagesse est une méditation non de la mort, mais de la vie ». Éthique 4, proposition LXVII
On pourrait penser que par cette proposition Spinoza ne fait que reprendre cette idée un peu convenue qu’il nous faut – nous autres pauvres humains – nous interroger sur le sens de notre existence individuelle. Il faut y entendre bien plutôt un message plus fort quant à la puissance et à la beauté du vivant qui dépasse le seul horizon de l’existence humaine.
Penser le vivant
Spinoza nous invitait ainsi à « Penser le vivant ». Ceci est aussi le titre d’un recueil d’articles passionnant, publié sous la direction de 4 professeurs de littérature (Laurence Dahan-Gaida , Christine Maillard , Gisèle Séginger, Laurence Talairach-Vielmas).
On peut y lire combien cette idée que nul ne saurait s’autoriser à « penser le vivant » s’il n’est spécialiste des sciences biologiques, peut être limitante et fausse. L’introduction de l’ouvrage par Gisèle Séginger, professeur de littérature, nous démontre magistralement le contraire. Elle met bien en évidence comment le développement de la biologie au 19e siècle s’opère en suivant une veine du temps non plus référée à la création divine ou à l’idée plus ancienne encore d’un Cosmos ordonné de toute éternité, mais à celle d’un temps archéologique structurant l’évolution même de l’Univers, de la Nature et du Vivant .
Jean-Baptiste de Lamarck est l’un des tous premiers à appeler à l’invention d’une science de la biologie qui envisagerait le vivant dans son unité et sa continuité. Il s’agit donc pour lui au travers de sa théorie du « transformisme », de dépasser l’approche dominante jusqu’alors qui consistait à élaborer des classifications et des taxinomies des espèces inventoriées, pour s’intéresser aux propriétés générales de la vie.
Gisèle Séginger fait référence aussi à Michel Foucault qui dans Les mots et les choses montre comment le 19e siècle constitue un moment de rupture épistémologique ouvrant sur la modernité.
« L’épistémé classique de la représentation et du visible qui a fait son temps cède la place à une nouvelle épistémé qui réinvente la vie comme un phénomène caché dans l’organisation invisible des êtres ».
La première esquisse de Darwin d’un arbre phylogénétique tirée de son First Notebook on Transmutation of Species (1837). Il est intéressant de noter comme cette figure de l’Arbre réapparait là au moment où Darwin planche sur l’origine des espèces et de la vie, en résonnance avec ce symbole millénaire de l’Arbre de vie où selon différents moments de l’histoire et dans de nombreuses aires culturelles, il est une figure puissante des mystères de la vie et de l’esprit des civilisations Ainsi , Yggdrasil, dont les origines puisent dans la mythologie nordique, apparait aussi comme l'Arbre cosmique de la théogonie païenne, symbole de l'esprit universel du Divin qui imprègne toute la substance du cosmos.
L’arbre de vie
J’ai trouvé que cette présentation pouvait introduire de manière tout à fait pertinente ce projet magnifique de l’arbre de l’évolution de la vie qui vise à nous faire découvrir et penser, tout à la fois, la profondeur et l’étendue du vivant au travers d’une carte interactive, conçue sur le principe de l’arbre phylogénétique imaginé par Darwin pour présenter l’évolution des espèces. Cet arbre proposé dans le projet OneZoom présente cette particularité d’utiliser la puissance de l’outil informatique pour mettre en perspective cette histoire du Vivant, au travers d’une image fractale. L’effet de zoom nous plonge dans les dimensions enfouies et cachée de la biodiversité tout au long de l’histoire de la Vie . Cela a pour effet saisissant de remettre l’homme à sa place comme un point dans cette galaxie infinie du vivant, représentée ici par plus de 2 millions d’espèces. On comprends là, toute la symbolique attachée à l’image de l’Arbre, en référence au Cosmos et à la Vie. On comprend aussi comment l’arbre peut cacher la forêt…
Cette représentation en arborescence fractale nous ramène au titre de cet article « L’arbre ou le sens de la vie » et à Spinoza en faisant penser aussi à ces premières images aussi du Teaser du film Terra de Yann Arthus-Bertrand où l’on voit se développer comme des filaments de mycélium, dans une profusion vitale et en tous sens, qui pourrait laisser penser à un mouvement parfaitement désordonné, et que tout cela n’a aucun sens précis (idée avancée par le darwinisme à l’encontre du « finalisme » d’ailleurs). La « méditation de la vie » à laquelle nous invite Spinoza nous livre cette connaissance intuitive de niveau supérieur selon son propre ordre de rationalité : le sens en question est celui de « persévérer dans son être ». C’est un sens qui semble dénié, démenti un peu plus chaque jour par l’homme manifestant bien plutôt dans son fol hubris sa puissance d’extinction du vivant. Lui qui cherche souvent un sens à sa vie, comment ne voit-il pas qu’il est tout autour de lui et en lui, dans le Vivant même ?!
La signification de l’Arbre de Vie dans le Bouddhisme
Dans la tradition bouddhiste, l’Arbre de Vie est une allégorie de l’arbre Bodhi. L’arbre Bodhi, appelé également Bodhimanda, a toujours été vénéré, car c’est sous cet arbre que Bouddha, après avoir longtemps médité, aurait atteint l’illumination. L’arbre Bo représente ainsi le chemin de l’élévation de Bouddha. Il est le symbole de la connaissance et de la bonté spirituelle de Bouddha.
Comments