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Quels voeux 2024 ?

Janvier 2024. Le rituel de la nouvelle année est là, toujours prégnant, celui d’échanger nos vœux... Le faut-il ? Comment y sacrifier ou non  ?... habituellement, je me prépare dans les derniers jours de décembre. Je choisis l'une de mes photos de l'année, et je concocte une belle formule aux consonances des « sagesses d’orientale ». Cette année, non ! Rien n'est venu «  spontanément ». L'année 2023, agitée, n'a pas sans doute pas réussi à m'inspirer. J'ai sacrifié au rituel, un peu, a minima, avec amour et sincérité ; mais je n’ai le plus souvent pas pris les devants. J'étais plutôt dans une attitude d'attente. Et là ce matin, je lis quelques articles de Philosophie Magazine qui font écho à ce doute que je sens en moi. Et ceci m’inspire cet article. Explorer ce doute, le partager avec vous, une manière peut-être de souhaiter mes vœux... Mais quels voeux alors pour 2024... Et à venir ?




Un rituel est un rituel. Il est là pour qu'on y sacrifie. Mais bien souvent à force de le suivre de manière un peu mécanique, on en perd le sens. Pourquoi donc se souhaiter « bonne année »  au 1er janvier, date symbolique dans notre calendrier -qui n'est pas universel -  du changement d'année ? L'année qui passe, scande  le passage des jours, mois par mois, qui est aussi l'enchaînement du cycle des saisons orchestré par les solstices et les équinoxes, un peu décalés. Donc, en ce mois de janvier nous voilà au début d'un nouvel hiver, en attendant le printemps. Il y a dans ce cœur de l'hiver, un moment de recueil, de replis peut-être, qui engage à espérer parfois qu’un prochain, un nouveau printemps vienne évacuer, effacer, faire oublier les moments pénibles, douloureux que l'on a pu connaître les saisons passées ou dont nous avons été le témoin - souvent impuissant - autour de nous.

Ainsi, ce rituel des vœux peut-il apparaître comme une sorte d'ardoise magique de notre enfance qui permettrait collectivement d'effacer les mauvais moments, d'enterrer les événements douloureux de l'année écoulée, passée ;  comme  un sursaut volontariste d'espoir, à vocation performative ? Mais l'espoir ne saurait être une certitude .  il s'origine de l'expérience d'un doute nourri de ce que nous avons vécu, de ce que nous vivons. Comme le rappel Ariane Nicolas dans sa « lettre du vendredi »    dans Philo magazine (12 janvier 2024) intitulé  « un nouvel espoir », « l’espoir  n'a pas bonne presse en philosophie » . Ainsi se voit-elle en même temps que remplie d'espoir , prise dans cette interrogation: « avais-je bien raison d'espérer ainsi pour la nouvelle année ? » . Et elle rappelle la locution latine, chère aux stoïciens, qui me guide aussi souvent, nec spe, nec metu , «  ni espoir, ni crainte » .


« Tu cesseras de craindre, si tu as cessé d'espérer. » Tu demandes comment deux choses si opposées peuvent aller ensemble? Eh bien, oui, cher Lucilius, en apparence divisées, elles sont étroitement unies. Tout comme la même chaîne attache le soldat à son prisonnier, ainsi ces affections si dissemblables marchent de compagnie : après l'espérance la crainte. Je ne m'étonne pas qu'il en aille ainsi : toutes deux sont filles de l'incertitude, toutes deux en attente, en souci de ce qui adviendra. Mais ce qui surtout les fait naître, c'est qu'on ne s'arrange pas du présent, c'est qu'on lance bien au loin ses pensées dans l'avenir. Ainsi la prévoyance, l'un de nos plus grands biens sur cette terre, s'est tournée en mal. L'animal voit le danger et le fuit; le danger s'éloigne, sa sécurité renaît : nous, l'avenir nous torture en même temps que le passé. Que de choses salutaires à l'homme sont pour l'homme des poisons! Sa mémoire lui ramène les angoisses de la peur, sa prévoyance les anticipe. » (Lettre V)

Ariane Nicolas cite aussi André Comte-Sponville, inspiré lui aussi par les stoïciens, et auteur du « Traité du désespoir et de la béatitude »  et qui lui-même cite Pascal, lecteur stoïcien

« Nous sommes prisonniers de l’avenir et de nos rêves : à force d’attendre des lendemains qui chantent, nous perdons la seule vie réelle, qui est d’aujourd’hui. “Ainsi nous ne vivons jamais, disait Pascal, nous espérons de vivre…” C’est le piège des religions, avec ou sans Dieu : l’espoir est l’opium du peuple. Pourtant il faut vivre et lutter : monter “à l’assaut du ciel”, même si ce ciel n’existe pas. […] Il nous faut pour cela inventer – ou réinventer – une sagesse sans mystification ni lâcheté : une sagesse du désespoir. Ici, maintenant : une sagesse pour notre temps. »

Peut-on être sans espoir ? Si l'on suit les leçons des stoïciennes de Comte-Sponville, la lucidité philosophique nous enseigne que l'espoir tient en permanence le bonheur à distance. Sur ce thème nombre de ses interventions   peuvent éclairer le propos, comme ce passage à La Grande Librairie (voir sur Youtube : https://www.youtube.com/watch?v=1vAr846HS6Y )  où il invite chacun à « espérer un peu moins ». Selon sa théorie, pour vivre heureux il nous faut abandonner l'espoir, s'efforcer de voir les choses telles qu'elles sont, et non  telles qu'on le voudrait qu'elles soient. La philosophie fait ainsi depuis toujours le pari de la lucidité. Bien sûr, espérer pour soi-même peut être source de déconvenue, de déception ; en même temps espérer pour autrui n'est-ce pas faire preuve d'affection, d'amour, de compassion ? Mais n'est-ce pas aussi encourager autrui à l'espoir, miroir aux illusions ? N'y a-t-il pas là un peu d'hypocrisie, mal venue, mal vue dans un monde pris en tenaille entre l'exigence de l'authenticité d’une part et la diffusion, l'expansion des « fake news » d’autre part ? À ne pas voir le monde tel qu'il est, et dans lequel nous sommes pris, empli de guerres, de faim, de souffrances  et s'abîmant d'année en année dans les courbes de l'effondrement dessinées il y a déjà un demi-siècle dans le rapport Meadows ?C'est ce qui ressort là encore d'un entretien de André Comte-Sponville avec Alexandre Lacroix pour Philo magazine en juillet 2022 déjà. Alexandre Delacroix note comment l'expérience du bonheur est peut-être - aujourd'hui plus encore qu'hier-  victime de cet effort de lucidité philosophique :


« Aujourd’hui où porter un regard lucide sur le monde revient souvent à s’infliger une épreuve. Nous vivons sous la menace d’une catastrophe écologique, la guerre fait rage en Ukraine, la politique est un royaume désenchanté, la traversée de la pandémie a laissé nos économies exsangues, et tous les observateurs redoutent une poussée inflationniste sévère cet automne… Dans ces conditions, tenir les yeux grands ouverts, n’est-ce pas se condamner au pessimisme et se couper de toute légèreté ? N’est-ce pas assombrir son existence ? Et comment trouver le bonheur, si l’on est conscient que le monde va mal et que nous nous y trouvons vulnérables et mortels ? »

À l'entrée « rituel », Yasmine Khiat, dans un article encore de Philo magazine se demande aussi dans un tel contexte : « faut-il encore se souhaiter des vœux de bonne année ? ». Elle rappelle que la militante écologiste Camille Étienne a, quant à elle, souhaité alors des « vœux intranquilles » sur Mediapart. « La jeune activiste écologiste, après avoir décrit l’état actuel du monde, pose une question troublante :


« À mon tour, je vous souhaite d’être heureux, mais est-ce en a-t-on encore le droit ? […] En 2024, est-ce bien acceptable, est-ce bien correct de vous souhaiter d’être heureux ? » Ne devient-il pas indécent de se souhaiter une bonne année, alors qu’elle a des chances d’être pire que la précédente ? »

Quels voeux souhaiter pour 2024, qui au-delà du cycle régénérateur des saisons, paraît bien s'enfoncer dans les mêmes ornières creusées déjà en 2023 et avant ? Dans son article Yasmine Khiat, qui ne veut pas renoncer au rituel, propose la solution du philosophe Alain qui suggère plutôt de souhaiter des vœux de « bonne humeur » dans ses « Propos sur le bonheur » :


« Je vous souhaite la bonne humeur. Voilà ce qu’il faudrait offrir et recevoir. Voilà la vraie politesse qui enrichit tout le monde, et d’abord celui qui donne . […] En cure de bonne humeur, les choses se passent tout à fait autrement ; on reçoit la chose comme une bonne douche ; on se secoue ; on hausse les épaules en deux temps ; et puis on étire ses muscles, on les assouplit ; on les jette les uns sur les autres comme des lignes mouillés ; alors le flot de la vie coule ainsi qu’une source délivrée ; l’appétit va ; la lessive se fait, la vie sent bon. »

Voilà sans doute un remède bien  digne des stoïciens que Alain affectionait aussi, « la bonne humeur »,  une manière d'équanimité permettant de prendre les choses comme elles viennent, un exercice spirituel qui permet de se souvenir que notre désir d'aller aux bains publics, nous expose toujours, à être éclaboussé et à entendre des injures, comme le rappelle Epictète dans son Manuel ( chapitre 4 « on doit examiner la nature de chaque action qu'on entreprend »)

Oui sans doute, mais c'est là un exercice de tous les jours pour soi-même et aussi à partager au quotidien avec les autres, par la vertu de  l'action à cultiver ainsi sa bonne humeur, son équanimité tant dans l'adversité, que dans la satisfaction et la joie des bons moments. Mais à l'heure des vœux, là maintenant, en janvier que souhaiter pour soi et pour autrui ? Car il me semble qu'il nous faut alors pour donner sens au rituel, et en rappeler le sens pour chacun,  se souvenir que le rituel est un partage, que ce partage des vœux, c'est la conscience d'une commune humanité dans un monde commun, le fait de tous d'appartenir au Cosmos diraient les stoïciens.

Alors dans mon doute, et ma curiosité, j'ai sacrifié au nouveau dieu de l'Intelligence Artificielle, perché dans le ciel nuageux (ténébreux ?) de chat GPT. Et j'ai posé cette question?



Et cette réponse en plusieurs temps que je vous partage ici :



 





Qu’en  conclure ? Encore une fois je constate que l'intelligence artificielle fait démonstration de cette « vertu » de trouver autant de bonnes raisons pour dire « oui » que pour dire « non »... Nous renvoyant à nos « convictions individuelles »...Et poursuivant l’interrogation  qu’en pouvait-il être selon mes inclinations stoïciennes ? Là encore, je reste indécis, « la morale stoïcienne pourrait amener à une position médiane »... Pas vraiment des vœux alors, sinon de lucidité, d'acceptation, d'action au quotidien et surtout de compassion. Bref une invitation à un engagement à cultiver la morale stoïcienne comme vertu. Et puisque j'évoquais « la bonne humeur » préconisée par Alain, j'ai aussi voulu savoir ce qu'en  disait chatGPT ?. Là j'ai retrouvé ce souci stoïcien de la lucidité, de la responsabilité, de l'engagement et de l'éducation morale.Que puis-je en retenir ? D'abord l'importance de sacrifier au rituel mais en conscience. Et ensuite de partager l'importance du sens de ce que nous faisons dans ce rituel, et de nous engager à œuvrer en cohérence avec nos vœux  -  communs à autrui et à soi selon la règle d'or - afin de discerner ce qui dépend de nous pour la réalisation de ces vœux. Aujourd'hui le mot qui me vient serait celui de « résilience ».

En conclusion, je nous souhaite pour 2024 -et au-delà - de la résilience, c'est-à-dire à la fois une capacité à trouver la force de continuer à être nous-même par ce que l'on croit et parce que l'on fait dans l'adversité ;  et  aussi à trouver des modes d'existence pour soi et avec les autres qui soient pleinement conscients de nos impacts sur les conditions mêmes de cette existence. Et là, la résilience nous conduit aussi à des vœux de « renoncement « (à tout ce qui nous menace au fond ) et de réconciliation ( à savoir dialoguer avec ceux avec lesquels nous ne partageons pas nécessairement les mêmes visions ).

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