L'expérience de la méditation peut ouvrir sur ce constat "cela me fait du bien". Bon commençons par éliminer toute tentation de "négativisme". Oui il n'y a pas de mal à se faire du bien ; et la méditation peut faire du bien. Sans nul doute c'est un bien. Cependant si vous suivez mes articles de ce blog vous avez dû repérer que tous mes titres sont parfois à double détente. Alors si au sortir de l'assise, affirmer "la méditation ça me fait du bien" peut être bien ; peut-on aussi envisager que cela puisse dissimuler un mal ? ohlala ! la question qui fait mal, qui vient troubler notre calme et apaisement méditatif...
Quelle est la nature de ce bien ressenti au sortir de la méditation ? est-il bien cet effet que la pratique installe au long court et qui apparaît comme le fruit de l'éveil ? ou n'est-il que la réponse à une attente installée à l'amorce de l'assise ? Encore une fois il ne s'agit pas d'invalider ce sentiment de "bien-être" au nom de l'éveil. Le sujet est plutôt là de ne pas les confondre et penser véritablement tenir instantanément au sortir de l'assise à ses débuts, le fruit de la pratique de la méditation.
Le goût de ce fruit ne se ressent pas tant dans l'instant du sentiment que dans le long apaisement du cours de la vie. Pour cela il faut pouvoir accueillir tout ce qui vient dans le moment de l'assise y compris le mal-être ; et cela aussi peut ouvrir sur un bien. La condition de cet accueil est dans le renoncement à toute attente, en particulier celle "d'aller bien". Le message peut être difficile à passer. Il peut rebuter, tant l'idée et l'envie de "bien-être" peuvent être associées au terme et à la pratique de la méditation. Redisons le, c'est à la fois juste et faux. Voilà qui peut heurter notre esprit parfois emprunt de cartésianisme qui rejette tout principe de contradiction. Mais qu'une chose soit juste et fausse en même temps est-il nécessairement contradictoire ? L'appréhension du mal peut-il ouvrir sur un bien ? Ici il s'agit de jouer-pas jouer sur les mots(maux). L'appréhension que j'évoque ici n'est pas celle que l'on comprend comme une crainte vague. Il ne s'agit pas là de craindre le mal. Cette inquiétude nous fermerait plutôt la voie du bien. Je parle d'appréhension au sens "de saisir par l'esprit" ; c'est parfois à condition de faire face aux maux que l'on peut ressentir dans son corps - fussent-ils d'origine psychiques - que l'on peut trouver une voie de soulagement pour notre bien.
Ainsi ce n'est pas tant l'évitement, la répulsion, l'écartement d'un mal que vouloir-pouvoir s'y confronter qui peut faire du bien. Bien sûr il ne s'agit pas de s'y confronter avec violence, avec cet esprit qu'on attribue parfois à la méthode Coué (plus subtile que cela en réalité)( on y reviendra) comme pour nier-conjurer le mal - " je vais bien tout va bien..." . Non ! la douceur et la bienveillance sont plutôt de mises à cet endroit-là. Ainsi considérer avec attention, bienveillance et conscience "ce qui ne va pas" (et qui nous incline au fond à cette pratique de la méditation) et à condition de suspendre toute attente de bien-être qui vient perturber notre capacité d'ouverture, peut nous donner la distance suffisante pour reconsidérer autrement "ce qui ne va pas" avec une compréhension plus large.
C'est cet élargissement de notre perception qui ouvre un nouveau sentiment de bien-être dans notre vie, plus vaste que l'effet de simple détente lié au moment de la méditation.
Comme le dit le maître zen Thich Nhat Hanh "La méditation n'est pas une évasion : c'est une rencontre sereine avec la réalité".
S'enfermer dans un sentiment de simple détente peut nous inciter à prendre refuge dans l'état "méditatif-relaxant" et à vouloir fuir d'une certaine manière notre réalité quotidienne. Or la méditation formelle n'est qu'une voie d'apprentissage de l'esprit pour véhiculer-transporter ce qui est expérimenté dans la pratique méditative dans la pratique de tous les jours. Dans la philosophie bouddhiste de la voie du Milieu, il est dit "le nirvana est le samsara". Méditons.
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