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Photo du rédacteurThierry Raffin

S'aimer soi-même est-il un bien ?

"S'aimer soi-même" voici une expression ambigüe, qui peut nous mettre mal à l'aise. S'aimer soi-même n'est-ce pas faire preuve de nombrilisme, de ne penser qu'à soi-même, de cultiver l'égoïsme ? Le fond culturel judéo-chrétien nous entraîne bien volontiers dans cette direction de pensée, en commandant de penser d'abord aux autres, voir de se sacrifier pour eux ; et on constate aussi souvent (pour le regretter ou le dénoncer) que notre société est devenue individualiste et compétitive, ne laissant pas assez de place à l'altruisme, à la solidarité (même si cela existe). Pourtant l'ambiguïté est déjà là dans les paroles du Christ dans l'évangile selon St Matthieu : "Tu aimeras ton prochain comme toi-même".

Alors qu'en penser : S'aimer soi-même est-il un bien ?".

Echo et Narcisse (1903) par J.W. WATERHOUSE © Walker Art Gallery, Liverpool

Il faut reconnaitre que l'expression "s'aimer soi-même" peut sans doute recouvrer plusieurs sens. Jean Jacques Rousseau, distinguait déjà "l'amour propre" de "l'amour de soi". Dans le Discours sur l’inégalité parmi les hommes, Jean-Jacques Rousseau distingue deux tendances chez l’homme :

l’amour-propre : sentiment mauvais, relatif, né de la comparaison et de la réflexion; il n’existe qu’un société et suppose la distinction de l’être du paraître. L’amour-propre est un mouvement qui nous porte à tout sacrifier à l’image qu’autrui se fait de nous.

l’amour de soi : au contraire, il s’agit d’un sentiment naturel et bon; il est pour l’homme la forme que prend l’instinct de conservation. Dans le premier Dialogue, Rousseau en fait la source originelle de toutes les affections, la pitié y comprise.


Le décor est ainsi planté, selon que l'on développe le sentiment de s'aimer dans un sens ou l'autre, "s'aimer soi-même" est acceptable voir nécessaire ou non. Déjà cette question du sens de s'aimer soi-même est posée lorsqu'on s'intéresse à la mythologie, et en particulier sur le sujet au mythe de Narcisse et d'Echo qui est relaté dans les "Métamorphoses" d'Ovide. En résumé, (très résumé) Narcisse s'éprend de son image et se méprend sur cet amour , et meurt de ne pouvoir l'atteindre... Mais à partir de ce mythe plusieurs interprétations sont encore possibles. Encore une fois l'ambiguïté...


Comme le montre un premier livre "S'aimer pour aimer les autres" de Martine Teillac " le mythe de Narcisse peut se lire soit sur sa face sombre- les Enfers, le Styx, la mort définitive, la vie désenchantée, et alors le narcissisme est haïssable et mortifère ; soit sur sa face lumineuse : le narcisse, sorte de résurrection de Narcisse sur le plan symbolique, où l’amour de soi se transforme en un don fait à la vie, au monde." (http://www.psycho-ressources.com/bibli/aimer-les-autres.html)

Ce livre amène "à développer, pas à pas, au fil des jours, ce bon narcissisme qui est sous le signe du don et de la générosité. "


Un autre livre de Fabrice Midal (l'un des maîtres que j'ai choisi) , philosophe et créateur de l'Ecole Occidentale de Méditation (méditation bouddhiste dans une perspective laïque) cultive cette même interprétation du Mythe de Narcisse : "Sauvez votre peau. Devenez narcissique". Pour lui, nous ne vivons pas tant que cela dans un monde individualiste, mais plutôt dans un monde où les gens sont poussés à se sacrifier pour les autres en particulier dans le domaine du travail, jusqu'à la dépression et le burn-out, cet épuisement de soi, qui est l'un des fléau de notre société. Ce fléau nous détruit de l'intérieur, et nous coupe des autres.


Fabrice Midal vient de démarrer une chronique hebdomadaire d'une trentaine de minutes pour les 8 semaines de l'été, sur France Culture où il commente son livre. Vous y retrouverez des extraits lus du texte d'Ovide et l'interprétation qu'en donne Fabrice Midal afin que nous puissions "sauver notre peau".



https://www.franceculture.fr/emissions/narcisse-accuse-juge-non-coupable/saison-02-07-2018-26-08-2018


A la lecture de ce livre nous comprenons que "s'aimer soi-même" ne peut pas être une injonction à suivre au pied de la lettre, mais à comprendre comme l'invitation à une rencontre, la rencontre de son soi. Car Fabrice Midal précise : " Faisons attention ici. S’aimer est une injonction souvent angoissante et culpabilisante, que l’on entend partout et qui nous égare. Je ne peux pas inviter quelqu’un à s’aimer ! S’aimer est la conséquence d’une rencontre. Je dois d’abord me connaître, m’écouter, faire la paix avec moi-même, et c’est seulement dans un deuxième temps que je me découvre aimable. En d’autres termes, plus vous vous dites, il faut que je m’aime, moins vous avez de chances d’y arriver ! " (https://www.fabricemidal.com/meditation-actu/sauvez-votre-peau-devenez-narcissique/)


Oui "s'aimer soi-même" reste ambigu ... il faut bien le comprendre pour être bien , plein de bienveillance pour soi-même et pour les autres !


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