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"C'est inacceptable !"

Qui n'a pas été étreint par cette exclamation, ce sentiment de l'inacceptable, de l'insupportable qui nous révolte, nous révulse, nous anéantit ; nous laissant comme impuissant. « Accepter » le mot peut ainsi raisonner douloureusement en nous. Bien souvent on nous dit ou même peut-on se dire à soi-même : « il faut accepter, il n'y a plus qu'à accepter … » Cette conscience d'acceptation est bien là, mais nous ne sommes que rarement prêts à cela ou pas vraiment. Pourquoi est-ce si difficile d'accepter ? Peut-être qu'en éclairant cette question, en apportant quelques éléments de compréhension de ce que peut être l’acceptation, pourra-t-on accepter…l'acceptation. Encore faut-il réussir - au-delà des mots - à mettre cela en pratique. La méditation peut nous y aider.

Renoncer est l'une des choses les plus difficiles à réaliser pour l'homme. Dès qu’une idée lui vient, qu'une envie se fait jour, et dès lors qu'il le peut , il s'engouffre le plus souvent dans cette voie du désir, sans s'apercevoir qu'il peut s'agir d'une impasse qui ne l'emmène nulle part ou d’une boucle qui le fait tourner en rond. Bien sûr immédiatement on imagine combien il peut être difficile d'accepter le départ, la mort d'un proche, d'un être cher, aimé. Bien sûr l'acceptation c'est un travail, cela fait partie là du chemin du deuil que tant et tant ont déjà parcouru avant nous. Cela nous fait comprendre que notre désir que le disparu soit toujours là (physiquement) est vain. Cela peut être aussi le cas de l'acceptation de sa propre mort liée à une maladie comme l'illustre merveilleusement Christiane Singer dans son dernier livre testament « Derniers fragments d'un long voyage ».

L'acceptation nous apparaît là une attitude défaitiste faite de résignation, de soumission avec son cortège des sentiments corrosifs que peuvent-être la honte, la culpabilité. Et si l'acceptation ce n'était pas cela ? Car si on y réfléchit bien, elle est davantage la manifestation d'une lucidité, d'une forme pure du courage. Oui il faut du courage pour accepter les choses qui nous contraignent, qui nous contrarient, nous attristent, nous insupportent, nous révoltent ; et réussir à les considérer telles qu’elles sont. Mais ce courage là qui est la lucidité au regard de toutes ces choses qui ne dépendent pas de nous, c'est aussi « le courage d'être soi » pour reprendre l'expression (et le titre d'un livre) de Jacques Salomé. Il n'est pas facile d'expliquer à ceux qui sont trop empreints d'émotions et de sensibilité qu’accepter une chose qui apparaît inacceptable, ce n'est ni de l'indifférence, ni de la passivité et qu'il n'y a pas à culpabiliser de reconnaître une impuissance face aux événements. C'est souvent comme comme on va le voir l'attitude juste, celle qui nous permet de libérer une autre énergie plus efficace que celle qui consiste à s'épuiser en voulant porter la misère du monde pour fuir tout sentiment de culpabilité. Je reviens là sur ce point crucial qui réside dans le travail sur soi qui qui déjà demande ce courage d'exister tel que nous sommes avec nos faiblesses, nos sensibilités, nos failles, notre vulnérabilité, notre part d'ombre, nos limites. Oui le courage d'être lucide est déjà de nous accepter tel que nous sommes là au moment présent. C'est cette lumière que l'on peut mettre sur l'ombre qui est la condition même de notre évolution, du changement que nous pouvons espérer en nous, de nous porter vers soi, de découvrir le chemin de l'être essentiel en nous, tel que le dessinait Graf Dürckheim.

Ainsi peut-on commencer à comprendre qu’accepter , ce n'est pas une abdication de la volonté, mais la condition première pour devenir actif, devenir acteur de la vie en soi. C'est à condition de déposer les armes (au sens non pas au sens d'abdiquer mais de faire la paix avec soi en soi) que l'on peut nourrir la puissance d'agir (c'est-à-dire au sens de Spinoza d’augmenter sa joie, sa capacité à être en vie qui nous anime et nous relie à la vie et aux autres)

On peut finir par comprendre intellectuellement cette position, cette sorte de philosophie qui emprunte beaucoup au stoïciens avec cette prière que je cite souvent attribuée à l'empereur Marc Aurèle :



Mais comment faire concrètement pour réussir à accepter vraiment ? L’attitude de ne pas accepter provient souvent d'un état de stress par rapport à une situation qui réduit notre horizon, la clarté de notre esprit. Cela conduit alors automatiquement notre esprit à focaliser sur le caractère inconcevable, insupportable, de refus, de rejet de tout ce qui arrive, de ce qui est. Notre esprit attribue ainsi faussement à l'événement cette propriété d'être inacceptable alors qu'il ne s'agit que d'un jugement de notre part, juste une pensée. Or les pensées ne sont pas des faits réels. Il nous faut donc apprendre, entraîner notre esprit à bien distinguer les pensées et les faits ; à faire en quelque sorte la part des choses entre ce qu'on ne peut pas nécessairement changer (« ce qui ne dépend pas de moi ») et ce qui peut être changé : mes représentations de ce qui arrive (là ce qui dépend de moi). Comment faire pour "être avec ce qui est " comme nous l'évoquons dans un autre billet de ce blog : "Ainsi soit-il !" tathata.

Lorsque les choses deviennent trop difficiles pour soi, que le poids de la non acceptation finit par excéder nos forces et nous enferme dans la rumination et la culpabilité de notre impuissance à trouver des réponses et des solutions dans le cadre rétréci de notre pensée triste, il peut être alors nécessaire de trouver un soutien et un accompagnement thérapeutique. Il existe pour cela des méthodes et des outils pour revisiter la situation et en sortir comme la thérapie d'acceptation et d'engagement ou les programmes MBCT MBSR . Mais au cœur de ces processus il y a l'engagement personnel dans une pratique de pleine conscience. La méditation de pleine conscience nous apprend ce chemin au travers de l'expérience attentionnelle aux pensées inconfortables qui peuvent émerger ou qui sont là, aux tensions désagréables ou douloureuses que l'on peut ressentir dans son corps. Il s'agit à la fois d'activer une claire conscience de ce qui est là et aussi d'entretenir un rapport de bienveillance à ces situations d'inconfort . Participer à un groupe de méditation peut ainsi permettre de partager ce chemin de l'acceptation qui n'est pas aisé à emprunter mais qui ouvre l'horizon du soi et libère notre capacité d'action juste.

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