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Photo du rédacteurThierry Raffin

Au-delà du virus... un nouvel horizon


Poursuivons notre longue méditation sur le virus, ce qu’il nous fait en nous - atteints ou non - mais aussi ce à quoi il nous ouvre. Au-delà du mal, de la maladie qui affecte le corps de ceux parmi nous qui sont plus âgées, plus faibles ; au-delà de la douleur des émotions de la peur pour soi, pour ceux qu'on aime, de la tristesse de les voir affectés, souffrants, décédés ; de la colère aussi peut-être qu'une telle situation, qu’une telle « injustice » s'abatte ainsi sur nous les hommes ; dans une recherche de raison, de responsables (pratiquement vaine), peut-être nous faut-il redresser la tête et regarder loin devant nous avec Courage et Confiance. Et alors découvrir un peu surpris et avec une joie un peu incompréhensible aussi, que se dessine là un nouvel horizon toujours au bout du chemin.


Le confinement auquel nous sommes contraints, nous le comprenons, nous l'acceptons – plus ou moins bien. Bien sûr il n'y a là aucune joie spontanée ; d'abord parce qu'il nous dit bien le danger potentiel de la contagion, de la maladie, et pour certains de la mort ; et aussi parce que cela réduit notre mobilité, notre liberté. Là l'épreuve de la contrainte peut-être douloureuse, nous attrister ou nous mettre en colère. Nous sommes quelque part entre le repli et la rébellion - au moins à l'intérieur de nous même. Mais nous nous plions de manière disciplinée et responsable. Peut-on cependant aller au-delà de ces émotions et ressentis douloureux, courageux ? L'isolement dans lequel nous sommes réduits peut-il devenir, un moment et un espace qui nous permettent d'ouvrir de nouvelles portes, de nouvelles pratiques ; de prendre conscience de dimensions positives de la situation ? Oui très certainement, si nous tournons positivement notre attention, notre esprit.


Tout d'abord, il y a comme une réalité physique du confinement dans l'espace : Il nous donne du temps ! Cela peut être celui du travail donc on peut être dispensé, des déplacements que l’on ne fait plus, des sorties habituelles dont nous trouvons privés. Ce temps peut alors être investi, tout à la fois pour se connecter à soi-même et aussi ouvrir les multiples portes de sa conscience - pour autant que l’on s'abstienne de ressasser, de ruminer, d'éviter que la pensée ne tourne en rond. Pour cela nous devons prendre garde de ne pas nous laisser happer par les écrans, par le tourbillon incessant des médias, où les actualités tournent en boucle sans issue véritable. Éviter les écrans, c'est aussi faire attention à ne pas se réfugier non plus dans cette attitude qui consiste à s'absorber dans les films et les séries. Tout cela ne fait qu’anesthésier la conscience. Or bien au contraire, tout l'enjeu de la situation est de trouver l'issue. Il faut bien entendre le sens de cette intention. Il ne s'agit pas ni d’un côté de cesser de s’informer ou de ne plus regarder aucun film pour se distraire un peu, ni simplement de courber l'échine, de faire le dos rond, d'absorber la vague, de passer le cap, de passer le temps. Non l'objectif, l’intention sont toutes autres. Il est question là de dessiner, d'ouvrir le véritable horizon de nos vies. Prendre le temps c'est alors se donner du temps pour soi et les autres, pour développer l'art du « vivre ensemble ». Cette situation comme bien souvent tous les moments de souffrance, de détresse, de catastrophe est l'occasion de mettre en oeuvre, d'éprouver l'entraide, la solidarité, la reconnaissance des dons. Le virus rappelle plus qu'il ne réveille notre fragilité biologique, économique. Il nous appelle au-delà de notre témérité à davantage d'humilité, à reconnaître que notre illusion de la liberté ne peut indéfiniment occulter la loi de l'interdépendance de toutes choses. La prétention à la Liberté, à l'indépendance trouve dans cette expérience ses limites. Nos dépendances économiques généralisées à la mesure de l'organisation mondialisée de la production révèle le besoin vital de repenser les conditions de l'autonomie, à une autre échelle plus humaine. Elle signale aussi combien notre compréhension, notre perception de l'échange est « ordinairement » perverti. Au fil des lectures peut on entrer en résonance avec ce que certains philosophes peuvent réfléchir. Ainsi le philosophe Nicolas Grimaldi qui vit reclu depuis 1968 dans un ancien sémaphore sur la côte basque, observe dans un entretien à France Culture que « nous ne sommes pas habitué au recueillement ».


Cette situation a un côté anachronique. Nous avions oublié qu’il puisse y avoir des épidémies aussi violentes, aussi contagieuses, que la vie puisse être aussi fragile. Et surtout, nous ne mettions plus en question l’état de société : que nous puissions tout recevoir des autres, cela nous paraissait l’ordre quasiment naturel de l’échange.
Or, voici que d’un coup, en un instant, une pandémie semble suspendre l’état de société, c’est-à-dire l’état d’échange naturel. A une exception près toutefois : jamais nous n’avons autant éprouvé combien nous dépendions les uns des autres, et combien leur dévouement, leurs compétences, leurs sacrifices, leur abnégation sont nécessaires à notre vie. Il s’agit tout simplement de la compétence et du dévouement du corps médical.

Cette ouverture sur la fragilité et la solidarité, c'est aussi la considération renouvelée de « la rareté ». Notre société de consommation de masse, l'étalage habituel de l'abondance – eau et gaz à tous les étages - dans les alignements impeccables et rassurants des supermarchés, soudain et de manière inattendue s’effritent. La déambulation inquiète, frénétique des « chariots de la subsistance » dans les rayons alimentaires qui se vident, « les placards de la survivance » ainsi achalandés nous font découvrir une vérité ordinairement masquée, occultée, refoulée , celle de la rareté. Paradoxalement cette « révélation » peut agir comme un évangile de « la préciosité » de la vie, la « Bonne Nouvelle » nous livrant alors le sens des choses essentielles, nécessaires à la vie et nous délivrant de l'encombrement du superflu ; nous permettant de faire le tri, de distinguer de manière plus subtile, plus nette, entre « survivance », « subsistance » et VIE .

Ainsi pouvons-nous avancer de manière plus sereine - et à mesure que le sens des choses essentielles de la vie se clarifie, découvrir l’horizon de la Joie de nos attachements, de nos liens, du bonheur d'une « interdépendance solidaire » qui nous ouvre au bien précieux de l'Amour. C'est le chemin dont je vous parle bien souvent, celui indiqué par l’ « Ethique » de Spinoza et dont Frédéric Lenoir s’est fait aussi l’écho dans son livre « Le miracle Spinoza » (https://www.psychologies.com/Culture/Savoirs/Philosophie/Articles-et-Dossiers/Spinoza-philosophe-de-la-joie-par-Frederic-Lenoir)

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